Rimbaud en aurait pleuré.

Que de tristes sanglots, Rimbaud aurait versé –
Lui qui n’avait pour cœur que poésie et rimes,
Qui dédaignait la vie en point d’aller de crimes
En crimes plus énormes – sur l’actuel français.

De ce souffle morose qui anime nos bouches,
Sans chanson, sans amour, sans même compassion,
Il nous aurait blâmé. Qu’il soit, ayons raison,
Un génie du bien, à la langue farouche.

Que le rideau de pluie qui martèle les pins
Aurait fait naître en lui un poème sublime
Et qu’il fait naître en nous de minables comptines,
Nous qui sommes ses fils, qui n’héritons de rien.

Oh, mon père Rimbaud, quelque messie magique
Tu fus pour notre langue, tu es parti si vite !
Reviens nous alors, par delà cette fuite
Aux bras de ta maîtresse, odieuse et si tragique !

Oh ! Ô toi que jamais nous ne pourrons aimer
Comme un homme, un frère, un ami, Rimbaud
Que nous dussions seulement pouvoir t’admirer
Pour tes vers sublimes, la danse de tes mots.

Rimbaud aurait pleuré de voir tous ces hommes,
Oublier leur orgueil, et sa langue chérie
Jetée ou torturée par ses fils avilis.
Le poète, génie du ma ou bien tout comme.

La langue était alors, au temps de notre fou,
Un trésor charmant, un coffret de rubis
Par lesquels naissaient des sortes de magies…
Rimbaud aurait pleuré de la voir à genoux.

Son peuple, les poètes, sont devenus la masse,
Et de sa tradition de voyageur terrible,
Il n’en est rien resté. C’est un vaste suicide,
L’artiste qui devient un commerçant rapace.

Et comme lui alors, la poésie hier
Si timide et discrète devient en ces jours-ci
L’objet de nos monnaies, donc un énième outil.
Rimbaud aurait été, finalement, très fier ?